Au cours des 46 dernières années, Thomas Pigeon a été à la barre de PIGEON, l’une des agences de création de marques les plus estimées au Canada, et a laissé une marque sur l’industrie et sur la vie d’innombrables personnes qui ont travaillé pour et avec l’agence. Née à Montréal sous le nom de Criterion Art, PIGEON a connu, sous l’égide de Thomas, un remarquable évolution. Selon Thomas, l’innovation est source de succès lorsqu’elle est soutenue par un dévouement inébranlable et un esprit entrepreneurial. C’est ce qui, a propulsé PIGEON vers des sommets inattendus. De ses humbles débuts jusqu’à ce que PIGEON devienne la plus ancienne agence indépendante de création de marques au Canada, le parcours de Thomas est marqué par la résilience, la créativité et une poursuite incessante de l’excellence.    

À la fin des années 1970, constatant un vide sur le marché local en matière de conception d’emballages, Thomas saisit l’occasion de créer un créneau pour PIGEON et entreprend de redéfinir le design de marque à Montréal. Grâce à son sens aigu des solutions stratégiques pour les marques et à son souci d’excellence, Thomas a transformé l’agence en une entreprise de premier plan, forgeant des partenariats avec des marques prestigieuses telles que Catelli, McCain, Kraft et Tim Hortons. Sa perspicacité et sa détermination ont permis à PIGEON de se forger une réputation de pionnière dans le secteur, en établissant de nouvelles normes en matière de créativité et d’efficacité dans la conception d’emballages.    

Sa vision, les marques qu’il créerait devraient être en mesure de circuler avec fluidité à travers les écosystèmes de communication. Il a ainsi créé la notion de « marque mobile » ce qui a éventuellement conduit l’agence à bâtir des campagnes intégrées pour certains des plus grands spécialistes du marketing d’Amérique du Nord. Au fil des décennies, Thomas a conduit PIGEON à accroître sa présence au Canada et au-delà. De Montréal à Toronto, puis à Mexico, desservant les marchés d’Amérique du Nord, d’Amérique latine, d’Europe et d’Asie du Sud-Est, l’influence de l’agence a dépassé les frontières, influençant les marques de consommation dans le monde entier. Sous la direction de Thomas, PIGEON a joué un rôle essentiel dans le succès de marques emblématiques telles que Tim Horton’s, le Viagra de Pfizer et le beurre d’arachide de Kraft, consolidant ainsi son statut de leader dans le domaine de la création de marques et de la conception d’emballages.    

Alors que nous disons ciao à Thomas (ce qui veut simplement dire « à bientôt » et non « adieu » en italien, cette culture qu’il aime tant), nous voulions explorer avec lui ses bons coups, ses moments plus difficiles ainsi que les leçons qu’il a tirées tout au long de son parcours qui a jalonné la création de notre agence.  

Qu’est-ce qui vous a incité à poursuivre une carrière dans la conception de marques, et qu’est-ce qui vous a motivé tout au long de votre parcours avec PIGEON?    

J’ai grandi dans le secteur de l’édition. J’ai eu l’avantage de travailler, jeune, en présence de grands illustrateurs éditoriaux, de photographes de renom et de rédacteurs de tous les horizons. Je m’enthousiasmais à l’idée de voir de simples feuilles blanches se transformer en histoires passionnantes qui captivaient les lecteurs. J’ai vite compris qu’il manquait l’art dans la narration.  

Au fil de ma vie, ma carrière a été influencée par des mentors extraordinaires qui m’ont constamment montré les différentes voies à suivre. Je n’ai jamais craint d’emprunter ces chemins pour voir ce qu’il y avait au bout. À nos débuts dans la conception d’emballages, les marques étaient utilitaires dans leur style et leur communication : un grand logo, une grande photo, et voilà, merci bonsoir. Je savais qu’il y avait plus… et il y a plus! Les marques sont des histoires, et les consommateurs font des choix émotifs la majorité du temps. Je savais que si nous développions notre habileté en matière de storytelling de marque de manière plus émotionnelle, nous pourrions nous démarquer de façon durable.  

J’ai eu le privilège de travailler avec certaines des personnes les plus créatives de la planète. Les équipes de création, de production et de service-conseil, et même notre équipe administrative, avaient une joie de vivre unique qui me galvanisait chaque fois que j’allais au bureau. Les clients qui nous ont adoptés nous ont confié, à mon équipe et moi, d’incroyables mandats aux responsabilités tout aussi considérables, et les meilleurs d’entre eux nous ont laissé faire ce pour quoi ils nous avaient payés : raconter des histoires de marque et faire exploser les ventes.   

Comment voyez-vous l’avenir de la création et du design de marques, et quels conseils donneriez-vous aux entrepreneurs débutant dans ce domaine ?   

La technologie risque de dominer la scène. Plus gros, meilleur, plus rapide et moins cher est devenu le mantra de nombreuses entreprises actuelles. L’IA et la RA sont des outils intéressants… mais ça reste des outils. La rapidité inhérente au marché et le fait de se plier aux exigences d’un conseil d’administration au lieu de se concentrer sur les besoins et les désirs des consommateurs risquent de diluer la magie apportée par les grands entrepreneurs qui ont créé ces marques – des personnes qui ont su prendre des risques, comme Harrison et Wallace McCain, les frères Irving, Ron Joyce et Daniel Servitje… J’ai eu le plaisir de travailler avec et pour chacun d’entre eux. Les nouveaux venus sur le marché doivent rester à l’écoute de la sagesse de ceux qui les ont précédés. Les données sont importantes, elles sont devenues essentielles aujourd’hui, oui, mais d’où vient la magie? Elle vient d’un mélange de ces données et aussi d’instinct. La magie est dans le cœur et se diffuse jusque dans l’âme. Une foi inébranlable dans le pouvoir des marques et une vision claire c’est ce qui fait le succès des innovateurs. Tout ça doublé d’une passion débordante. 

Quel a été le plus grand défi auquel vous avez été confronté à la tête de PIGEON ?   

Croire en moi. Quand j’ai déménagé de Montréal à Toronto, il est vite devenu évident que la donne avait changé. À Montréal, on était les big guys, mais à notre arrivée à Toronto en 1991, on a tout de suite vu qu’on était au bas de l’échelle. J’ai décidé d’inviter les dirigeants de toutes les grandes agences d’image de marque à notre bureau de King Street East. Étonnamment, tout le monde est venu. Ils étaient curieux de voir ce qu’un p’tit gars de Montréal avait à dire. J’ai demandé au groupe de mettre fin à cette absurdité qu’est le « design spéculatif » (c’est-à-dire les pitchs non rémunérés), et tout le monde, avec son verre de vin à la main, a hoché la tête en disant que bien sûr, nous ferions front commun. Mais l’un après l’autre, ils ont rompu les rangs. Sur ces vingt agences, seules deux sont encore debout aujourd’hui – et PIGEON est l’une d’entre elles.  

Quelles leçons en avez-vous tirées ?    

Ça m’a fait réaliser que nous étions des rebelles. J’ai compris qu’on ne devait pas seulement être meilleurs que le gang local : on devait être potentiellement meilleurs que tout le monde… et on l’est ! PIGEON est aujourd’hui encore l’une des agences de stratégie de marque les plus prestigieuse et les plus primées au Canada, alors même qu’on étend résolument notre champ d’action au marketing intégré. 

Comment s’explique votre évolution par rapport au modèle traditionnel du chef d’entreprise qui participe à toutes les décisions ?  

Le vendredi 13 septembre 1991, un an après mon déménagement à Toronto, j’étais en voyage de pêche dans le Nord du Québec avec mon bon ami Hans Brands lorsque le petit avion qu’il pilotait s’est écrasé dans les eaux glaciales d’un lac. Hans est mort sur le coup. J’étais gravement blessé, mais vivant. Alors que j’étais allongé sur l’avion renversé, à une température qui frôlait le point de congélation, j’ai eu une révélation : mon entreprise reposait entièrement sur moi – j’étais le chef du service conseil, le chef de l’administration, le chef de la création, et si je mourais, mes employés seraient tous obligés de chercher du travail et mes enfants seraient sans ressources. Alors à ma sortie de l’hôpital, en embrassant le front de mes enfants, je me suis promis de faire en sorte que l’entreprise soit plus grande que moi, qu’elle me survive. J’ai décidé de mettre en place une équipe de direction solide où je pourrais diriger, mais où je ne contrôlerais certainement pas toutes les décisions. Ce mantra demeure aujourd’hui encore, alors que je laisse l’entreprise entre les mains expertes d’Elyse Boulet. Personne n’est mieux placé qu’Elyse et l’équipe de direction de PIGEON pour poursuivre la croissance de l’entreprise et jouer un rôle de premier plan dans la transformation de notre secteur. Ses clients lui font confiance. Son équipe lui fait confiance. Avec Kairos Capital à ses côtés, ils possèdent la solidité, l’expertise et toutes les qualités requises pour amener PIGEON à un niveau supérieur et perpétuer cet héritage. C’est pour moi un sentiment rassurant.

En repensant à votre remarquable parcours avec PIGEON, de quoi êtes-vous le plus fier, et qu’espérez-vous laisser en héritage ?   

Partir de rien et bâtir quelque chose m’a toujours rendu fier. Mon père et ma mère étaient des gens simples, mais aimants. Ils m’ont fait sentir en sécurité, aimé, apprécié et respecté et m’ont fait sentir que j’étais intelligent. J’ai compris à quel point il est important d’avoir quelqu’un à ses côtés. Quelles que soient les difficultés, ce sont le travail acharné, la persévérance, la foi et le bon entourage qui vous permettront de vous en sortir. J’aime les gens qui travaillent pour moi, et leur contribution a une grande valeur à mes yeux. Je ne serais absolument rien sans l’incroyable talent qui m’a entouré jusqu’à ce jour où je quitte le bureau où j’ai travaillé pendant 46 ans. J’ai vu leurs enfants grandir, et pour bâtir ce rêve, j’ai eu le privilège de travailler aux côtés de mon frère Peter et de ma très talentueuse fille Amy. Je suis très fier d’avoir permis à mon ego de s’effacer devant les hommes et les femmes incroyablement talentueux qui ont fait de PIGEON la figure emblématique qu’elle est devenue. 

Je suis également très fier de l’ancienneté de nos employés. Mes deux formidables directeurs de la création, Olivier Chevillot et Bob Boutilier, nous soutiennent, PIGEON et moi, depuis plus de 20 ans; mon responsable informatique, Mark Romero-Marshall, depuis plus de 25 ans; Steve Trutschel, depuis plus de 20 ans; et mon premier employé, Michael Paititch, depuis plus de 40 ans – autant d’engagements professionnels que l’on voit rarement aujourd’hui! On voit également ce genre d’engagement avec nos clients. L’attitude « tasse-toi mononcle » de nombreuses agences de branding actuelles leur fait perdre leur âme. Notre apport de nouveaux jeunes talents est excitant, oui, mais nos vétérans méritent le respect, car il ne fait aucun doute qu’ils ont mérité leurs galons.   

Racontez-nous votre souvenir ou votre anecdote préférée concernant un client.   

Il y en a tellement ! Mais celui d’avoir volé jusqu’en Nouvelle-Écosse avec le légendaire Ron Joyce, dans son avion privé, est le plus marquant. En sa qualité de propriétaire de Tim Hortons, je lui ai demandé quel était le moment dont il était le plus fier. Je pensais qu’il me parlerait de l’ouverture du restaurant numéro 2000, ou de quelque chose du genre, mais non! Il m’a répondu : « Kandahar ! Quand je suis arrivé en Afghanistan pour l’ouverture de notre restaurant Tim Hortons, le commandant de la base m’a présenté comme le cofondateur de Tim Hortons. Mille personnes ont fait une ovation. Je pensais qu’on vendait du café et des beignes, mais c’était plus que ça : nous avons apporté de l’espoir à ces personnes qui défendent notre liberté au péril de leur vie, le réconfort de se sentir chez soi en tant que Canadien et de savoir qu’on retrouverait bientôt ses proches. » Et une larme a coulé sur sa joue… J’ai alors réalisé que notre travail sur la marque de Tim Hortons, alimenté par la typographie, la couleur et l’imagerie, avait en fait contribué à faire de cette marque emblématique ce qu’elle était dans l’esprit et le cœur des consommateurs et qu’il avait contribué de manière significative à ce moment spécial à Kandahar. 

Et maintenant, quelle est la prochaine étape pour Thomas Pigeon?   

La vie est une aventure extraordinaire. J’ai toujours détesté les sentiers battus et la bureaucratie. J’aime sortir des voies balisées et tracer mon propre chemin. L’Italie est dans mon cœur et dans mon âme et fera sûrement partie du voyage. Rester assis sur une terrasse à vieillir, c’est zéro dans mes plans! Les nouveaux mandats, les voyages, l’écriture et les aventures professionnelles continueront d’alimenter mon esprit. Je laisserai l’air du temps décider ! Mais peu importe où mes voyages me mèneront, je serai toujours un ambassadeur de PIGEON et des merveilleux talents qui continueront à en faire l’une des forces créatives les plus respectées et les plus fiables d’Amérique du Nord dans le monde de l’image de marque. 

Alors que nous lui disons au revoir, nous désirons exprimer auprès de Thomas Pigeon notre plus profonde gratitude pour son leadership inspiré, son dévouement inébranlable et ses contributions pionnières dans le domaine de la création et de la conception de marques. Son héritage continuera d’inspirer des générations d’entrepreneurs et d’esprits créatifs, façonnant l’avenir du secteur pour les années à venir. Nous lui souhaitons le meilleur dans la suite de son parcours, convaincus que sa passion vorace pour la vie, sa créativité et son esprit d’entreprise ne faibliront sans doute jamais, que ce soit dans les érablières du Canada ou dans les oliveraies d’Italie.